La Radio communautaire de Dongo ne badine pas avec la neutralité. « Au départ, on devait s’appeler RCD, mais comme c’est le nom d’un parti politique et qu’on craignait que les auditeurs fassent la confusion, on a changé », explique la journaliste et assistante de production Rosette Bunketi. Nom de baptême : Racodo.
Derrière ses murs blancs et bleus –rappelant les couleurs des agences de l’ONU qui la soutiennent– on découvre un étroit studio insonorisé et une mini-régie alimentés en journée par huit panneaux solaires. Petits moyens pour grande mission. « L’objectif de la radio est de promouvoir la réconciliation pour permettre le retour des déplacés et des réfugiés », explique Céline Schmitt, porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU.
Fin octobre 2009 à Dongo, dans la province de l’Equateur (nord-ouest), des membres de la communauté enyele ont attaqué celle des munzaya au sujet d’étangs poissonneux. Le conflit s’est étendu dans une partie de la province, avant de s’achever en avril 2010. Bilan : plus de 270 morts, dont une centaine à Dongo, et quelque 200 000 exilés –dont 130 000 au Congo-Brazzaville, 20 000 en Centrafrique et les autres en Equateur.
La création de la Racodo entre dans le cadre d’un accord pour le rapatriement volontaire des réfugiés signé en juin 2010 par le HCR et les deux Congos. Guyvech, 26 ans, est l’une des animatrices de la radio, gérée par l’ONG de résolution des conflits Search for common ground. Elle aussi avait fui les violences. Mais si elle a pardonné aux assaillants, « certains demandent une punition pour les auteurs, d’autres disent qu’il faut laisser tomber pour faire avancer le milieu », confie-t-elle.
C’est notamment à ces derniers que la Racodo s’adresse au travers de ses émissions, comme « To Sangana » (réunissons-nous, en lingala). Le message atteint des ex-réfugiés et des déplacés mais aussi certains exilés au Congo-Brazzaville voisin, qui entendent que la sécurité est revenue, que la vie reprend... Ce qui pourrait leur donner envie de rentrer avant ou pendant le rapatriement que prévoient le HCR et les deux Congos.
« Des gens appellent pour dire que le contexte est très fragile et qu’il ne faut pas que des extrémistes puissent s’exprimer, et ils ont raison ! On réduit donc tout ce qui est libre antenne », commente Gervais Koffi, responsable à Dongo de Search for common ground. Autre mesure : « Maintenant je filtre les communiqués. S’ils ne contredisent pas la cohésion sociale, ils passent », dit-il, confiant qu’en trois mois de diffusion un seul texte « assez violent » a été censuré.
La radio a été inaugurée samedi en présence de responsables locaux et de représentants des humanitaires. Et à peine lancée, la petite équipe songe déjà à l’avenir. « Bientôt, avec l’accalmie, on pourrait vraiment être un outil de développement communautaire, estime Gervais Koffi. Mais il faut trouver un mécanisme de durabilité communautaire qui permettra à la radio de survivre quand les partenaires laisseront la population la gérer ».