L’identification des cadavres du charnier en Libye: un processus complexe

Les restes de 1 700 prisonniers exécutés en 1996 dans la prison d’Abou Salim à Tripoli, auraient été découverts dans un charnier, dans la capitale libyenne. Ce sont les autorités libyennes qui l’ont annoncé ce dimanche 25 septembre. Elles demandent l’aide de la communauté internationale pour l’identification des corps : un processus complexe, délicat et long. D'autant que quelques doutes sont nés désormais sur l'authenticité de ce charnier.

L’annonce a été faite par le Conseil militaire des nouvelles autorités libyennes. Khaled Cherif, porte-parole du Conseil militaire, a précisé qu’il s’agissait de prisonniers exécutés en 1996, par leurs geôliers de la prison d’Abou Salim à Tripoli. « Nous avons découvert le lieu où étaient enterrés tous ces martyrs », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse dans la capitale libyenne. Le charnier, situé au pied des murs de la prison, se trouve sur un site en terre battue de 100 hectares où l’on constate la présence d’ossements.

Le porte-parole du Conseil militaire a, par ailleurs, indiqué qu’un comité technique était chargé de l’identification des corps. Cependant et vu l’ampleur d’une telle tâche, il a également appelé les organisations étrangères et la communauté internationale à collaborer au processus d’identification.

Techniques d'indentification

Comment identifier les corps retrouvés 15 ans après leur mort ? Il existe plusieurs méthodes. L’ADN est une des techniques mais elle n’est pas la seule.

Interrogée par RFI, Graciela Lopez, déléguée du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Tripoli, chargée des personnes disparues, précise que l’identifcation de tous ces corps exige un travail minutieux et long. Un travail qui implique les familles qui ont perdu leurs proches - qui peuvent fournir des données ainsi que des informations concernant les personnes disparues - ainsi que  tout le processus d’exhumation et d’analyse des dépouilles mortelles.

              

Sécuriser d’urgence le site

Graciela Lopez met également l’accent sur la nécessité de protéger le site où se situe le charnier afin d’empêcher que des personnes puissent toucher les ossements ou bien commencer des excavations improvisées. Autant d'action qui peuvent compromettre le processus d’identification. Selon elle, il est absolument indispensable et urgent que ce site soit « sécurisé et protégé jusqu’à ce que l’expertise nécessaire soit sur place ».

De leur côté, les familles des victimes attendent que les auteurs du massacre soient arrêtés, puis jugés. Le Conseil national de transition (CNT) a fait savoir qu’il espère faire la lumière sur ce massacre, à deux titres. Il souligne que les détenus ont été exécutées sauvagement en une seule journée. Durant plus d’une décennie, leurs familles ont pensé qu’ils étaient encore vivants.

Interrogé par RFI, Adel Ben Saoud, de Benghazi, compte se rendre à Tripoli, la semaine prochaine pour savoir si cette découverte lui permettra d’identifier son frère Abdallah, arrêté à l’âge de 28 ans, en 1995, et emprisonné à Abou Salim.

Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme avaient dénoncé l’assassinat, en 1996, de plusieurs centaines de prisonniers dans la célèbre prison d’Abou Salim, à Tripoli, où étaient détenus de nombreux prisonniers politiques du régime de Mouammar Kakhafi.

Ce massacre était intervenu à l'occasion d’une mutinerie. En juin 1996, près de 1200 prisonniers – dissidents politiques, membres ou sympathisants présumés de groupes islamistes – s’étaient révoltés contre leurs conditions de détention. Ils avaient été immédiatement exécutés à la grenade et à la mitraillette.

Les enquêtes, réclamées par les familles et les organisations internationales, pour faire la lumière sur ce qu’Amnesty International avait qualifié de « carnage », sont restées lettre morte. Depuis la prise de Tripoli, en août dernier, par le CNT, une douzaine de charniers ont été découverts.


Des doutes

Ce mardi 27 septembre, le quotidien français Libération émet de sérieux doutes sur l'existence de ce charnier de Tripoli. Selon l'envoyé spécial du journal, aucun reste humain n'a encore été découvert sur place, seulement des ossements d'animaux. « On nous a dit à la radio que les gens du CNT avaient retrouvé des restes humains. Mais il n'y a que des os de bêtes et des boîtes de conserve. Il n'y a même pas de gardes pour sécuriser le champ... Ce sont les mêmes méthodes que les autres.On nous ment », se lamente une femme dans le reportage de Libération.
L'article de Libération (payant)

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