Les trois hommes sont soupçonnés de crimes contre l’humanité pendant les violences post-électorales de fin 2007 et début 2008 au Kenya. Selon l’accusation, lors de ces violences 1 133 personnes avaient été tuées, 3 561 personnes blessées et 663 921 personnes déplacées. Ces violences avaient suivi la réélection contestée du président Mwai Kibaki, en décembre 2007, face à Raila Odinga, devenu Premier ministre de l’actuel gouvernement de coalition kényan.
Peu après l’ouverture de l’audience, la juge Ekaterina Trendafilova a tenu à souligner que « l’audience de confirmation des charges n’est pas un procès avant le procès »et que« les suspects sont considérés innocents jusqu’à preuve du contraire ». Pour l’instant, précise la juge de la CPI, « notre devoir est de déterminer quelles affaires doivent faire l’objet d’un procès et celles qui ne le doivent pas, sur la base des éléments de preuve fournis ».
Les Mungiki, une secte criminelle
Membres du Parti de l’unité nationale (PNU) du président Kibaki, Uhuru Kenyatta, Francis Muthaura et Mohamed Hussein Ali sont soupçonnés d’avoir conçu et mis en œuvre un « plan commun » d’attaques généralisées et systématiques contre des sympathisants du Mouvement démocratique orange (ODM) de Raila Odinga qui à l’époque, en 2007, était seulement candidat à la présidentielle. Ils auraient agi ainsi dans le but de conserver le pouvoir. A en croire le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, ils auraient organisé toute une série d’attaques et utilisé, pour semer ainsi la terreur, une organisation criminelle, les Mungiki.
Luis Moreno Ocampo reproche notamment à l’actuel vice-Premier ministre et candidat potentiel à la présidentielle de 2012, Uhuru Kenyatta, d’avoir supervisé la préparation des attaques, mobilisé et financé les Mungiki.
Le procureur de la CPI, a déclaré, encore aujourd’hui au cours de l’audience de confirmation des charges à La Haye que « des crimes ont été commis par des dirigeants du PNU, en association avec les Mungiki et avec la collaboration de la police ».
A l’échelon inférieur, Francis Muthaura, 64 ans, actuellement bras droit du président du Kenya Mwai Kibaki, et qui était, au moment des faits, secrétaire du cabinet pour les affaires de sécurité, aurait veillé à ce que la police n’empêche pas les Mungiki d’agir. Il aurait ordonné au chef de la police d’alors, Mohamed Hussein Ali, de faire en sorte que la police n’intervienne pas. Aujourd’hui, Mohamed Hussein Ali est accusé d’avoir obéi à Muthaura et demandé à ses hommes de laisser le champ libre aux Mungiki.
Tenue d’un éventuel procès dans deux mois
L’audience de confirmation des charges pesant contre les trois hommes qui s’est ouverte aujourd’hui, est prévue pour durer 12 jours, jusqu’au 5 octobre. Pendant ces deux semaines, leurs avocats essayeront de convaincre les juges que ces accusations sont sans fondement et qu’il n’y a pas lieu d’aller au procès. De leur côté, les juges auront deux mois pour déterminer si les preuves rassemblées par l’accusation sont assez solides pour la tenue dudit procès.
Le procureur Luis Moreno Ocampo avait présenté, en décembre 2010, deux dossiers pour crimes contre l’humanité mettant en cause des représentants des deux camps qui s’étaient affrontés et qui se partagent désormais le pouvoir.
Lors d’une conférence de presse, avant l’audience, il a émis un souhait : « Nous espérons que notre intervention sera utile » et rajouté : « Nous espérons pourvoir instaurer une nouvelle règle, une règle qui dit que les dirigeants ne peuvent pas commettre d’atrocités pour gagner le pouvoir ou le conserver ». De son côte, le gouvernement kenyan avait, quant à lui, contesté en vain, la compétence de la CPI pour poursuivre les responsables de ces violences post-électorales.