En 1978, neuf ans après sa prise de pouvoir, Mouammar Kadhafi s'exprime, dans le club de la presse d'Europe 1. En 1977, il crée la «Jamahiriya», «l'Etat des masses», un sytème politique basé en théorie sur la démocratie locale et direct. Il abandonnera le titre de chef de l'Etat un an plus tard, même s'il restera à la tête du pays dans les faits.
Deux ans plus tard,en 1980, le président tchadien Goukouni Oueddei, déclare à Tripoli la fusion de son pays et de la Libye de Kadhafi. La France, dont le Tchad est une ancienne colonie, s'oppose à ce projet et soutient l'adversaire de Weddeye, Hissène Habré. Celui-ci renverse son rival en décembre 1981. Les troupes de deux hommes s'affrontent alors à la frontière entre les deux pays. La France intervient militairement en 1983 pour empêcher l'ingérence libyenne dans les affaires tchadiennes. Kadhafi se déclare finalement prêt à retirer ses troupes de la frontière, dans le but de faire partir les soldats français et pour « protéger l'unité » du Tchad.
En décembre 1985, Mouammar Kadhafi se dit prêt à transformer les troupes libyennes au Tchad en force d'interposition et de maintien de la paix. Il veut contribuer « à bâtir la paix au Tchad» mais «les problèlems africains » doivent se résoudre « entre Africains, sans ingérence extérieure », une allusion à l'intervention française.
Seize ans après, en mars 2001, le « Guide » se lance dans le projet de création des « Etats-Unis d'Afrique », qui prévoit notamment une armée et une monnaie commune pour tout le continent. A Tripoli, les réactions sont contrastées.
Retour en grâce et bannissement
En avril 2004, le colonel Kadhafi est en visite d'Etat à Bruxelles. Ce déplacement est historique, c'est le premier de Kadhafi en Europe depuis 1989. Il couronne les efforts de la Libye pour se réinsérer dans le concert des Nations, alors que le régime de Kadhafi est accusé d'être responsable de plusieurs attentats (dans une discothèque berlinoise fréquentée par des militaires américains en 1986, attentat de Lockerbie en Écosse contre un avion de ligne civil américain en 1988, attentat dans le désert nigérien contre un avion français en 1989).
Le Président de la Commission européenne, avocat de longue date d'un rapprochement entre l'UE et Tripoli, accueille personnellement le « Guide » à sa descente d'avion. Romano Prodi affirme que l'UE est décidée à faire « dès que possible » de la Libye un « membre à part entière » du processus de Barcelone qui régit la coopération entre l'Europe et les pays du pourtour méditerranéen. Kadhafi, lui, nie avoir eu recours au terrorisme dans les années 1980.
En décembre 2007, Mouammar Kadhafi est en visite en France, ce qui apparaît comme une forme de contrepartie à la libération des infirmières bulgares, obtenue par Nicolas Sarkzoy en juillet de la même année, juste après son élection à la présidence de la République. Le séjour du dictateur en France fait grincer des dents beaucoup d'observateurs et d'hommes politiques, jusque dans le camp du président. Et Kadhafi se paye le luxe de leur donner du grain à moudre. Lors de son deuxième jour de visite, il dément avoir parlé des droits de l'homme avec son homologue français, alors que Nicolas Sarkozy affirmait la veille que le sujet avait été évoqué.
A moins d'une semaine d’un sommet de l'Union africaine en juillet 2010, RFI et France24 reçoivent en exclusivité le chef de l'Etat libyen. Au cours de cet entretien, le colonel Kadhafi évoque l'échec de son projet d'Etats-Unis d'Afrique, les attentats de Kampala, la situation explosive en Somalie avec les actions de plus en plus violentes des islamistes shebabs. Il revient également sur le fait que le chef des rebelles soudanais du Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE), Khalil Ibrahim, a été expulsé du Tchad et est réfugié à Tripoli. Ne reconnaissant aucune légitimité à la Cour pénale internationale, il se dit prêt à accueillir en Libye, si nécessaire, Omar el-Béchir, le président soudanais sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Il fustige également al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), un groupe qui a revendiqué plusieurs attentats et enlèvements.
Alors que, dans les pas de la Tunisie qui a chassé Ben Ali du pouvoir, plusieurs pays du monde arabe connaissent des révoltes populaires à partir de la fin de l'année 2010, en Libye, la contestation du régime se fait de manière moins pacifique et débouche sur une insurrection à partir de mi-février. Le « Guide » libyen intervient à la télévision le 22 février 2011 et martèle qu'il se battra « jusqu'à la dernière goutte de sang ». « Toutes les villes et tous les villages qui aiment Muammar Kadhafi, qu'ils se lèvent pour défendre car Kadhafi c'est la gloire ! », lance également le leader libyen.
Le 18 mars 2011, le Conseil de sécurité autorise une coalition, emmenée notamment par la France et la Grande-Bretagne, à intervenir pour protéger les populations civiles. La résolution autorise à prendre « toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne, y compris des frappes aériennes, mais précise qu'il n'est pas question d'occupation militaire. Elle prévoit aussi une zone d'exclusion aérienne pour empêcher l'aviation du colonel Kadhafi de pilonner ses opposants. Kadhafi, lui, assure que la coalition court à l'échec.
Un mois et demi après le début de l'intervention occidentale, la guerre entre insurgés et forces loyalistes à Kadhafi semble s'enliser, chaque camp prenant alternativement l'avantage sur l'autre. Le 7 juin 2011, Mouammar Kadhafi s'adresse aux Libyens, dans un discours jusqu'au-boutiste.