Après la présidentielle de novembre 2010, Alpha Condé devient chef d'Etat le mois suivant et il sait bien déjà que la tâche sera rude : tout un pays est à remettre sur les rails, un pays qui a souffert.
Après le régime très dur de Sékou Touré, le général Lansana Conté a régné d'une main de fer pendant 24 ans, réprimant dans le sang toute velléité de contestation que ce soit dans la rue ou au sein de son armée. Car l'histoire de la Guinée a été marquée par des coups d'Etat et tentatives de coups d'Etat militaires, ponctués à chaque fois par son lot d'exactions et de purges.
A la mort de Lansana Conté, en décembre 2008, c'est le capitaine Moussa Dadis Camara qui prend le pouvoir. En septembre 2009, les forces de sécurité répriment dans le sang un rassemblement d'opposants qui rejetaient une éventuelle candidature du chef de la junte à la présidentielle. Selon l'ONU, au moins 156 personnes sont tuées.
Quelques mois plus tard, Dadis est renversé par le général Sékouba Konaté qui dirige le pays jusqu'à l'organisation de la présidentielle remportée par Alpha Condé au deuxième tour.
Défense et sécurité
Alpha Condé s'était donné comme priorité, dès son accession au pouvoir, de mettre en place une réforme du secteur de la défense et de sécurité. Le président a mis en place un nouvel état-major et s'est attribué le ministère de la Défense pour tenter de mener les réformes.
On peut facilement imaginer les frustrations que ce genre de réforme peut générer, d'autant que l'armée guinéenne est traversée par des divisions sur le plan ethnique (entre Malinkés, Peul, Forestiers, et Soussou). Divisions sur le plan générationnel aussi entre les anciens et les plus jeunes.
Des milliers d'anciens savent qu'ils vont devoir partir à la retraite. Leur avenir n'est plus assuré. Il y a également le problème des nouvelles recrues. Des soldats qui ont été formés mais qui n'ont pas encore reçu leur matricule et commencent donc à s'inquiéter eux aussi.
Le 2 juillet dernier, le colonel Moussa Keita, l'ancien numéro 3 de la junte, a été arrêté. C'est un homme qui compte dans l'armée. Avant son arrestation, ce proche de Moussa Dadis Camara, avait fait des révélations dans la presse : il avait affirmé que le général Konaté avait détourné plus de 20 millions de dollars.
Joint par RFI ce mardi 19 juillet, le président Alpha Condé parle d'une tentative d'assassinat contre sa personne. Il affirme que des tracts circulaient ces derniers jours dans les casernes, que des militaires avaient même été arrêtés dès lundi après-midi. Selon lui, deux meneurs auraient été arrêtés à la mi-journée mais il refuse d'en donner les identités.
Par ailleurs, on a appris que l'ancien chef d'état-major de l'armée, le général Nouhou Thiam, avait été arrêté. C'est son épouse qui l'a affirmé. Le général Thiam avait été limogé par le président Condé.
Frustrations dans la société guinéenne
L'opposition politique ne cesse de dénoncer « les dérives autoritaires du président Alpha Condé » et craint que les prochaines élections législatives annoncées pour le mois de novembre ne soient entachées de fraudes. Ce que l'on dément dans le camp présidentiel.
Celou Dalein Diallo, le challenger d'Alpha Condé à la dernière présidentielle, a certes reconnu le résultat des élections (le leader de l'opposition a tenu à faire un geste au nom de la réconciliation) mais la campagne électorale entre les deux tours a été très dure, emprunte de haine entre partis politiques sur fond de rivalités ethniques. Depuis, le climat s'est encore dégradé et le dialogue est rompu entre les deux hommes.
Joint par RFI, Celou Dallein Diallo déplore néanmoins l'attaque de la nuit dernière et espère que la justice sera en mesure de faire son travail dans la sérénité.
Un défenseur guinéen des droits de l'homme s'inquiète pour sa part des éventuelles conséquences de l'attaque de la nuit dernière. Il espère que les autorités ne vont pas revenir aux anciennes méthodes, et que ces événements ne vont pas servir de prétexte pour régler des comptes.
Pour le moment en tout cas, rien ne permet encore de savoir qui est derrière cette attaque. C'est le mutisme du côté des autorités. Une enquête est ouverte.