Droits de l’homme en Afrique : des progrès très insuffisants

Selon Amnesty International, les révolutions d'Afrique du Nord, notamment en Tunisie et en Egypte, offrent une occasion sans précédent de faire progresser les droits humains. L'organisation publie ce vendredi 13 mai 2011 son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme dans le monde. Elle a recensé les cas d'atteintes à la liberté d'expression, de prisonniers politiques, les cas de torture et de mauvais traitements, les procès inéquitables... Sur l’ensemble du continent africain, Amnesty fait état de certaines avancées en la matière, mais il reste beaucoup à faire.

Révolution de jasmin en Tunisie : reprendre en main les forces de sécurité
Les élections auront-elles lieu le 24 juillet prochain en Tunisie ? Les Tunisiens devraient être appelés à élire une Assemblée constituante, six mois après la chute du régime Ben Ali. Le président de la Haute instance chargée de préparer le scrutin affirme « tout faire » pour y parvenir. Mais Yahd Ben Achour souligne également que « la tâche est immense » et n'exclut pas un report.

Selon Amnesty International qui publie ce vendredi son rapport 2011 sur la situation des droits humains dans le monde, cette révolution tunisienne ouvre une « possibilité de progrès majeurs en matière de droits humains ». Mais le vice-président de l'organisation, Francis Perrin, met en garde : pour lui, il est essentiel pour les autorités tunisiennes de réformer ses forces de sécurité.

Réseaux sociaux : un rôle ambivalent
Facebook, Twitter et les autres réseaux du Net ont joué un rôle considérable dans les pays arabes. Mais, avertit Amnesty International, la Toile pourrait tout aussi bien être utilisée par les dirigeants menacés pour asseoir leur pouvoir. « Il ne fait aucun doute que les médias sociaux ont joué un rôle très important en permettant à la population de se rassembler », a indiqué à l'AFP le secrétaire général de l'organisation, Salil Shetty. « Mais il faut également garder à l'esprit que cela donne aux gouvernements l'opportunité de réprimer la population », a-t-il souligné. Et le document d’avertir : « Les gouvernements se battent pour reprendre l'initiative ou pour se servir de cette technologie contre les militants ».

Afrique sub-saharienne : répression et mauvais traitements
Les forces de l'ordre continuent de violer les droits de l'homme dans de nombreux pays d'Afrique, torturant et exécutant des suspects sans jugement, déplore Amnesty International. L'usage excessif de la force et de mauvais traitements aboutit régulièrement à des homicides illégaux dans des pays tels que l'Afrique du Sud, le Nigeria, le Mozambique ou l'Ouganda.

Au Nigeria, la situation dans le delta du Niger s'est ainsi détériorée en 2010, avec de nombreux enlèvements de travailleurs du pétrole et de leurs proches, ainsi que des attaques d'installations pétrolières par des groupes armés. « La réaction des forces de l'ordre nigérianes a souvent conduit à des violations des droits de l'homme, y compris des exécutions sans jugement et des tortures », écrit Amnesty International. L'organisation note par ailleurs qu'exécutions illégales, arrestations arbitraires, disparitions et tortures sont restées la norme dans d'autres parties du Nigeria.

En Afrique du Sud, de nombreux cas de torture et de mauvais traitements par la police ont été signalés : coups, chocs électriques, asphyxie, menaces de mort... En avril 2011, les images du passage à tabac d'un manifestant désarmé par des policiers ont été diffusées à la télévision nationale. L'homme âgé de 33 ans est décédé après avoir été blessé à deux reprises avec des balles en caoutchouc tirées à courte portée.

Au Mozambique, la police a utilisé des balles réelles contre les manifestants qui protestaient contre la cherté de la vie, et a tué au moins 14 personnes.
Les forces de sécurité guinéennes ont également tiré à balles réelles sur des manifestants pacifiques.

En dépit d'une tendance vers l'abolition de la peine de mort en Afrique, la Guinée Equatoriale, la Somalie et le Soudan ont exécuté des condamnés à mort, au terme souvent de procès inéquitables, selon le rapport d'Amnesty.

Des campagnes électorales trop souvent meurtrières
L'organisation de défense des droits de l'homme s'inquiète aussi de ce que les campagnes électorales ont été violentes dans plusieurs pays, notant que « dans presque tous les cas, les violations des droits humains ont été commises en toute impunité ».

Les processus électoraux dans des pays comme le Soudan, l'Ethiopie, le Burundi, la Guinée ont été marqués par des violences et des entraves à la liberté d'expression, le harcèlement de militants et des arrestations illégales.

En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, le directeur général d'Amnesty, Stéphane Oberreit, vient de passer un mois dans le pays, à Abidjan et dans l'ouest. Il indique qu'un rapport spécifique sera publié le 25 mai prochain. Selon Stéphane Oberreit, ce rapport est « accablant pour les deux camps ».

Selon Amnesty encore, des défenseurs des droits de l'homme ont été arrêtés en Angola, en Gambie, au Niger, ou en Centrafrique. Les Etats manquent de volonté politique, notamment pour mettre un terme aux expulsions forcées menées en Angola, en Guinée Equatoriale, au Zimbabwe, ou encore à Ndjamena au Tchad.

Malgré tout, « un changement est possible » selon Amnesty. L’organisation compte tout particulièrement sur le dynamisme des sociétés civiles sur le continent.

Point positif : des ONG de plus en plus présentes
Parmi les bonnes nouvelles de ces douze derniers mois citées par le rapport : le Gabon a définitivement aboli la peine de mort. De leur côté, les autorités de Sierra Leone ont accordé la gratuité des soins maternels.
Globalement sur le continent, Amnesty International salue la montée en puissance des Organisations non gouvernementales (ONG). Ces dernières sont pourtant encore trop souvent réprimées.
 

Pour aller plus loin :

Extraits du rapport annuel 2011 sur le site d'Amnesty international

 

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