La commissaire européenne en charge des questions d'immigration Cecilia Malmström soumet ce jeudi aux ministres de l’Intérieur des pays membres de l’espace Schengen une « stratégie » pour faire face aux carences constatées dans le contrôle des frontières extérieures du sud de l'Union européenne.
Le débat a été soulevé par la France et l’Italie à la suite de l’arrivée de 25 000 immigrés tunisiens à Lampedusa, l’île italienne la plus proche des côtes tunisiennes, après la révolution de jasmin. Ces mesures devraient inclure la possibilité de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières nationales au sein de l’espace Schengen.
L’Italie et la Grèce ont du mal à endiguer l’afflux d’immigrés malgré les renforts fournis à l’agence européenne Frontex et malgré les aides financières de la Commission. Pays de passage, ils ne souhaitent pas que les migrants demeurent sur leur territoire. Les Italiens ont ainsi remis aux Tunisiens, qui souhaitaient pour la plupart se rendre en France, un permis de séjour de six mois pour leur permettre de passer la frontière.
La France n’a pas hésité à stopper des trains et à renforcer les contrôles à la frontière franco-italienne puis elle a menacé de suspendre les accords Schengen en invoquant une menace pour la sécurité nationale. Paris a de plus saisi la Commission pour trouver une solution. Une démarche appuyée par l’Italie, la Grèce et l’Allemagne.
Les propositions de la Commission européenne
La Commission européenne va proposer une plus grande latitude pour rétablir les contrôles aux frontières nationales au sein de 22 des 27 Etats membres de l’Union européenne (le Royaume-Uni, l'Irlande, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie sont en dehors) et de trois pays non membres : la Norvège, l’Islande et la Suisse de l’espace Schengen.
Le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières nationales pourra être autorisé en cas de « défaillance » d'un Etat dont les confins sont les frontières extérieures de l'Union européenne.
Les contrôles aux frontières nationales pourront également être rétablis lorsqu'une partie de la frontière extérieure de l'Union européenne sera soumise à une pression migratoire « forte » et « inattendue ».
L’arrivée de migrants en provenance de Tunisie et de Libye, deux Etats méditerranéens déstabilisés par des révolutions, va-t-elle mettre à mal l’un des principaux acquis communautaires qui permet de passer les frontières sans avoir à montrer ses papiers et sans même avoir besoin de s’arrêter ? Le droit d’asile va-t-il pâtir de ces nouvelles règles ? La commissaire chargée des questions d'immigration, Cecilia Malmström, devra également répondre à ces questions. Elle insiste sur le caractère « temporaire » du rétablissement des frontières nationales, autorisé dans des « circonstances exceptionnelles ». Et elle considère que l’arrivée de 25 000 migrants tunisiens en Italie ne constitue pas un flux migratoire suffisant pour justifier la mise en œuvre de mesures exceptionnelles.
Des gouvernements européens sous pression
En France, le Front national prône la sortie pure et simple de l'espace Shengen pour retrouver la maîtrise des frontières. Le discours est le même à l’extrême droite dans toute l’Europe : exclusion et mise au ban des étrangers. Le risque : voir l’Europe se refermer sur elle-même pays par pays. Un retour en arrière qui ne règlera ni les problèmes économiques ni les problèmes sociaux des Européens.
C’est dans ce contexte de crise économique et de montée de l’extrême droite que les gouvernements français et italien ont lancé le débat.
Le ministre allemand de l'Intérieur Hans-Peter Friedrich s’est rallié à leur projet parce qu’il pense que la Roumanie et la Bulgarie seront plus facilement acceptées au sein de l'espace Schengen « si l'on sait qu'on a la possibilité de réinstaurer les contrôles en cas de problème grave ». La Roumanie et la Bulgarie, qui ont adhéré à l'Union européenne en 2007, espèrent entrer dans l’espace Schengen cette année.
Autre son de cloche au Parlement européen
Au Parlement européen à Strasbourg, la plupart des groupes politiques se sont prononcés contre une réforme des règles de libre circulation dans l'espace
Schengen. Les parlementaires s’inquiètent de l’impopularité de telles mesures quand elles se traduiront par des « heures d'attente » pour les touristes allemands voulant passer en Italie, ou quand « les migrants seront à nouveau contrôlés sur le pont de l'Europe », à la frontière franco-allemande à Strasbourg, aujourd'hui quotidiennement traversée par les travailleurs frontaliers.
« A la vague d'immigrés qui gagnent nos côtes dans des conditions précaires, qui meurent en mer, nos pays réagissent trop souvent par la division, les querelles, les fermetures de frontière voire la remise en cause d'un instrument de liberté de circulation aussi essentiel que Schengen », a déclaré devant le Parlement européen Joseph Daul, le président du Parti populaire européen, le plus important groupe politique.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne arbitreront le débat au cours de leur prochain sommet au mois de juin mais l'accord du Parlement européen demeure indispensable pour toute réforme qui serait adoptée par les gouvernements.