Avec notre envoyé spécial,
La tactique du bélier n’ayant jusque-là pas fonctionné, pour déloger Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara a décidé d’inverser les rôles. Désormais, c’est à son adversaire de vivre sous blocus, dans la résidence présidentielle.
Pour Alassane Ouattara, le temps de la confrontation militaire directe est donc terminé et son objectif est de faire comme si son ennemi intime faisait déjà partie du passé.
Le pari d’un retour à la normale n’est pas cependant pas gagné d’avance. Pour sécuriser Abidjan en proie aux pillards et aux milliers de miliciens de Laurent Gbagbo qui n’ont pas rendu les armes, Alassane Ouattara doit tout d’abord obtenir la pleine coopération des patrons de la police et de la gendarmerie et plus encore de leurs hommes.
Par ailleurs, même acculé dans sa résidence forteresse, Laurent Gbagbo dispose toujours de soutiens militaire et civil. En une semaine d’offensives des FRCI, copieusement appuyées par les forces françaises et onusiennes, son pouvoir s’est étiolé mais sa capacité à générer des troubles dans tout le pays n’a pas disparu. Alassane Ouattara n’est pas encore installé au pouvoir et son chemin vers la présidence est déjà miné par le sang versé ces derniers jours.
Avec le soutien international, la relance économique pourrait être rapide. Le travail de réconciliation et de pacification risque lui d’être beaucoup plus long.
Sur le terrain, c'est l'épuisement et la fatigue. Après des jours de bombardements , c'est maintenant la lutte pour trouver à manger, à boire et pour rester à l'abri de l'insécurité. Les organisations religieuses du pays se mobilisent pour venir en aide aux plus faibles. De nombreux déplacés ont trouvé refuge dans des églises, des temples ou des mosquées.Du côté de l'Eglise catholique, le président de la conférence épiscopale, Mgr Josphe Aké se dit découragé par une telle situation qui est aussi un échec de la politique du dialogue qu'il a toujours défendue.
L'accès aux populations civiles est quasiment impossible pour les ONG en raison de l'insécurité dans les quartiers. Or les besoins humanitaires et sanitaires sont énormes.
Du côté des ONG, on estime qu'un couloir humanitaire est désormais urgent . C'est en tout cas le sentiment de Jean Djoman, chargé de la coordination humanitaire à Caritas Côte d'Ivoire.
De nombreux quartiers d'Abidjan sont livrés à des pillards ou à des miliciens. L'insécurité rend impossible le ravitaillement des cliniques et hôpitaux, qui souvent n'ont plus d'eau courante. L'équipe de Médecins sans frontières, à l'hôpital du sud du quartier D'Abobo peine à délivrer les soins de première urgence.
Au manque de nourriture et de soins, vient se greffer un sentiment d'incertitude face à l'avenir, auquel s'ajoutent des nuits sans sommeil liées aux fracas des combats. L'impact psychologique est certain. Même les équipes de Médecins sans frontières sont gagnées par la déprime. Témoignage de Docteur Salah Issoufou de MSF.