Bombardements et recul de l'opposition dans l'est, manifestation de « victoire » orchestrée par les pro-Kadhafi à Tripoli : la régime libyen tentait dimanche 6 mars 2011 de reprendre la main au 20e jour d'insurrection et affirmait avoir repris plusieurs villes. La révolte qui a débuté le 15 février prend désormais des allures de guerre civile et la télévision d'Etat libyenne a annoncé que des forces fidèles au colonel Kadhafi étaient en route vers Benghazi, à 1 000 km à l'est de Tripoli.
L'armée libyenne avait déjà tenté la semaine dernière de lancer une contre-offensive pour stopper la progression des insurgés, bombardant Ajdabiya et Brega, deux villes verrouillant l'accès à Benghazi. Mais malgré d'intenses combats dans le port pétrolier de Brega, l'insurrection, un mélange de jeunes sans réelle expérience du combat et de militaires passés dans l'opposition, avait continué d'avancer jusqu'à Ras Lanouf, à 300 km au sud-ouest de Benghazi.
La télévision d'Etat a affirmé avoir repris le contrôle de Ras Lanouf, ville pétrolière, et de Tobrouk dans l'est ainsi que de Misrata, la 3e ville du pays, dans l'ouest. Affirmant que ces villes avaient été reprises des mains des « bandes terroristes », elle a diffusé des images de « manifestations de joie » sur la place Verte, à Tripoli, ainsi qu'à Syrte, la ville natale du « Guide de la révolution » et Sebha (sud).
Mais les insurgés ont immédiatement contesté la reprise de ces trois villes. Selon des journalistes de l'AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était ainsi toujours contrôlée dimanche matin par ces derniers. Dans la matinée toutefois, deux raids des forces pro-régime y ont été menés sur un camp de rebelles et sur un barrage des insurgés, mais ils n'ont pas fait de blessés selon les premières informations.
Les insurgés se sont retirés de Ben Jaouad
En revanche, les insurgés ont dû se résigner à se retirer de Ben Jaouad après des combats avec les forces pro-Kadhafi affirmant que Ras Lanouf serait leur « ligne de défense ». Ben Jaouad, à plus de 300 km au sud-ouest de Benghazi et à une centaine de km à l'est de Syrte, était depuis samedi 5 mars la position la plus avancée de
l'opposition sur le front oriental. Selon un médecin, les combats y ont fait dimanche deux morts et une trentaine de blessés.
Les insurgés libyens ont également contesté auprès de l'AFP la reprise de Tobrouk, comme l'avait affirmé auparavant la télévision Al Libya. « Ce n'est pas vrai. La région allant d'Ajdabiya à la frontière égyptienne est sous notre contrôle », a déclaré Fateh Faraj, un membre du conseil des insurgés à Tobrouk joint par téléphone. Par ailleurs, un résident de Misrata, à l'est de Tripoli, a indiqué à l'AFP que des chars tiraient des obus dans le centre de la ville.
Dans le même temps à Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour proclamer la « victoire » du « Guide de la révolution », soldats, policiers et miliciens tirant en l'air en signe de joie. « Ce sont des tirs de joie parce que nous sommes en train de battre al-Qaïda. Nous avons gagné, al-Qaïda est parti », a déclaré un soldat, arborant des lunettes Ray Ban. Sur la place Verte, dans le centre, 4 000 à 5 000 pro-Kadhafi étaient également rassemblés en manifestation « spontanée ».