Le premier chantier des autorités de transition est de rétablir la sécurité, réduire le sentiment d'insécurité. Pour ce faire, le gouvernement a rappelé les réservistes. L'objectif est de maintenir le calme avec l'armée, en l'absence d'une police discréditée qui fait désormais profil bas. Car en attendant, fondé ou pas, la crainte des braquages, des violences est encore très présente. Beaucoup soupçonnent des éléments favorables à l'ancien président Ben Ali de vouloir semer le trouble afin de saper la révolution.
Autre chantier économique et social, celui là, c’est de relancer le tourisme au point mort depuis deux mois. Répondre aux manifestations toujours quotidiennes en Tunisie, chaque jour un corps de métier demande plus de travail, plus d'allocations et des salaires plus élevés.
Après 23 ans dictature, l'impatience de voir les retombées de la révolution grandit. Au lieu d'attendre, des milliers de déçus ont d'ailleurs préféré l'immigration clandestine. Mais le Premier ministre a prévenu qu'il n'avait pas de baguette magique pour apporter la prospérité à tous, et passer en un jour d'une dictature à une démocratie. Un gouvernement transitoire qui depuis quelques semaines donne l'impression de naviguer à vue.
Pour l'instant, sa priorité semble être l'obtention d'un consensus entre islamistes, partis d'opposition et syndicat UGTT pour parvenir à organiser des élections dans six mois, et faire entrer définitivement la Tunisie dans l'ère de la démocratie.
Le nouveau gouvernement transitoire jugé par les habitants de Sidi Bouzid
Cousin de Mohamed Bouazizi, Ali Bouazizi est cyber activiste. Il est membre du parti d’opposition légale PDP. Selon lui, il y a un blocage en ce moment en Tunisie. Sa crainte est grande de voir les querelles idéologiques prendre le pas sur les vrais enjeux politiques. Notamment celui de la représentativité au niveau régional.
Selon lui, « le problème, c’est qu’on n’enregistre aucun progrès sur le terrain. Ni sur le plan de la gouvernance, ni du développement de ces régions, ni dans aucun autre domaine. Quand un nouveau wali, un nouveau gouverneur est nommé, il est refusé par la population locale car il n’est pas issu du cru. Ce n’est que cette semaine que le gouvernement a convenu d’affecter les gouverneurs en fonction de leur origine. Au plus haut niveau de l’Etat, au gouvernement, il y a toujours des divisions. Car toutes les parties sont représentées : les partis politiques, l’ancien régime, les étudiants, les travailleurs, chacun veut imposer son groupe, ajoute Ali Bouazizi. Mais ces gens doivent tirer leur légitimité de la rue, de ceux qui ont mené cette révolution. C’est le problème que nous avons aujourd’hui, car le discours du moment ne doit pas être idéologique. Ceux qui tiennent un discours idéologique se mettront hors-jeu. Tout discours idéologique est à exclure aujourd’hui »
Laamin Halibi, lui, considère que le gouvernement comme enfermé dans sa tour d’ivoire. Ce professeur de français dans un lycée à Sidi Bouzid regrette en effet que ses membres ne soient pas davantage présents sur le terrain.
Sur le plan politique, deux mois après « la Révolution du jasmin », des voix s’élèvent aujourd’hui pour la sauvegarde de cette révolution. La création d'un «Conseil pour la défense de la Révolution », annoncée le 13 février par le secrétaire général du Front démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), en est une illustration. Nommé dans le premier gouvernement formé après la chute du président Ben Ali, Mustapha Ben Jaafar a démissionné. Pour le secrétaire général du FDTL, ce Conseil a été créé par la force des choses car le gouvernement de transition fonctionne sans contrôle et sans contre-pouvoir. Pour lui, ce gouvernement semble travailler pour la continuité alors que la révolution s'est faite pour le changement.