La rue qui traverse le quartier de Kabong a retrouvé son animation. Sous le regard des policiers assis sur un banc devant le petit commissariat, quelques femmes en boubou garnissent leurs étals de fruits et légumes. C’est là, juste en face, qu’ont eu lieu une partie des explosions qui ont endeuillé Jos à la veille de Noël. Le bar a été soufflé. Il ne reste que des morceaux de tôle ondulée et l’enseigne d’une marque de bière.
Ce soir là, David, a tout entendu. « Un gros bruit d’un coup », dit-il. « Quatre jours avant, il y avait une rumeur qui disait que les chrétiens partiraient en courant avec leur morceau de cochon dans la bouche. On n’y croyait pas, on pensait que c’était une mauvaise blague mais regardez ». Les bras qui remuent le ciel, Paul s’emporte : « Ca fait trop longtemps que tout ça dure, il est temps que ça cesse, des attaques ici et là, c’en est trop. Ils utilisent des bombes, c’est terrible. Pourquoi ? Pour quelle raison ? ».
« C’était sophistiqué »
Des questions, voilà ce qui hante désormais les habitants de Jos. De fait, si la ville est régulièrement en proie à de violents affrontements ethnico-religieux depuis 2001, c’est la première fois que des explosifs sont utilisés. « C’était sophistiqué », indique sous couvert de l’anonymat un agent de la Police anti-bomb squad de Jos, la brigade anti-terroriste. « Tout avait été prémédité et bien coordonné. Je doute que cela ai pu être commis par des amateurs et des gens de la région ».
Les attentants qui se sont produits quasiment au même moment que les attaques dans la ville de Maiduguri ont été revendiqués sur un site Internet par un groupe islamiste émanant de la secte Boko Haram, qui opère d'ordinaire dans le nord-est du Nigeria et s’en prend aux forces de l’ordre, aux politiciens et aux imams. Le mouvement qui se fait appeler « Jama’atu Ahlus-Sunnah Lidda Awati Wal Jihad » a déclaré avoir agit pour « commencer a venger les atrocités commises contre les musulmans dans ces zones et dans le pays en général ». Et menace de continuer.
Boko Haram n’est pas coutumier des attentats à la bombe
Vrai ou faux ? L'enquête est en cours. Des spécialistes des explosifs se sont rendus sur les lieux des massacres. En attendant les premières conclusions, les questions sont nombreuses. Car Boko Haram n’est pas coutumier des attentats à la bombe. La secte n’a pas non plus pour habitude de cibler des civils, quelle que soit leur confession, ni d’agir en dehors du nord-est du Nigeria.
Si la secte est vraiment à l’origine des explosions, cela signifie-t-il qu’elle a étendu ses ramifications jusqu’à Jos ? Ont-ils agit seuls ou avec des complicités ? Leur acte est-t-il véritablement à but religieux ou a-t-il été commandité par des politiciens de la région, pour semer la terreur à l’approche des élections générales en avril 2011 ?
« Il est encore trop tôt pour répondre », indique Shedrack Best, ancien professeur de Sciences politiques et candidat à l'élection sénatoriale. « Que ce soit ce groupe islamiste ou d’autres, je pense que c’est une réponse à des frustrations. Ca peut-être politique, comme ça a toujours été le cas dans le passé. A moins que ce ne soit une réponse aux rancoeurs accumulées au fil des crises. Ce qui est sûr, c’est qu’on a franchi un cap dans la violence ».