Après 30 mois passés dans sa cellule de la prison des criminels de guerre, à Scheveningen, aux Pays-Bas, Jean-Pierre Bemba se retrouvera lundi 22 novembre 2010 face à ses juges. Accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), il devra répondre des meurtres, viols et pillages commis en Centrafrique par ses soldats.
Les faits remontent à octobre 2002. Jean-Pierre Bemba avait envoyé ses troupes en Centrafrique, voisine du Congo-Kinshasa, à la demande d’Ange-Félix Patassé. Le président centrafricain avait appelé en renfort plusieurs centaines de mercenaires pour mâter la rébellion de François Bozizé. Sans succès. Le général Bozizé s’emparait du pays, qu’il dirige toujours, en mars 2003. En décembre 2004, il saisissait le procureur de la CPI des crimes commis en Centrafrique. Deux ans plus tard, Luis Moreno Ocampo avait ouvert une enquête.
Les viols commis par les soldats du MLC
Accusé en qualité de supérieur hiérarchique, Jean-Pierre Bemba doit répondre des crimes commis par ses soldats. Selon son acte d’accusation, « des hommes, des femmes et des enfants ont été violés chez eux, par plusieurs hommes du MLC (Mouvement de libération du Congo) ». Ces viols ont été commis « devant les membres de leur famille (…) ou dans des lieux publics, notamment dans la rue, des champs ou dans des fermes ».
Pour le procureur, Luis Moreno Ocampo, « les hommes étaient également violés dans le cadre d’une tactique délibérée d’humiliation et afin de démontrer leur impuissance à protéger leur famille ». Le MLC voulait « créer un climat de peur généralisée pour déstabiliser l’armée adverse », écrit encore le procureur.
Mais pour la défense de Jean-Pierre Bemba, le MLC était sous le commandement direct de l’armée centrafricaine. « Les hommes du MLC se battaient avec l’uniforme centrafricain, sous le drapeau centrafricain » affirme Aimé Kilolo. Le responsable principal serait donc Ange-Félix Patassé. Longtemps ciblé par le procureur, qui affirme aujourd’hui ne pas disposer de preuves suffisantes pour l’inculper, Ange-Félix Patassé est rentré de son exil au Togo pour se présenter à la présidentielle, prévue le 23 janvier 2011.
Des accusations partielles
Particulièrement active dans ce dossier, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) demande au procureur de poursuivre « tous » les auteurs des crimes commis en Centrafrique. Or pour l’instant, Jean-Pierre Bemba semble être seul dans le collimateur de la CPI. Un groupe de victimes avaient aussi demandé à la Cour d’étendre les charges portées contre Jean-Pierre Bemba aux crimes commis en RDC, notamment en Ituri, entre 1998 et 2003. Mais les juges ont débouté les victimes, affirmant que le procureur n’a pas encore bouclé ses enquêtes en Ituri. Pour la FIDH, les juges n’ont pas pris leurs responsabilités.
Des réparations pour les victimes
Les déboires judiciaires du sénateur congolais ont débuté par son arrestation dans une banlieue huppée de Bruxelles, le 24 mai 2008. Le patron du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), le principal mouvement d’opposition au régime de Kinshasa, a demandé, à de nombreuses reprises, sa mise en libération provisoire.
Mais les juges ont refusé, arguant notamment que Jean-Pierre Bemba pourrait utiliser ses réseaux et ses moyens financiers pour échapper à la Cour. Par ailleurs, aucun Etat n’a accepté, à ce jour, de l’accueillir et d’assurer sa surveillance et sa remise à la Cour, pour les audiences. Parallèlement à son arrestation, le procureur était parvenu à obtenir le gel d’une partie de ses biens, notamment en Belgique, au Portugal et au Congo.
La Cour a estimé que l’homme d’affaires congolais ne pourrait pas bénéficier de l’aide juridictionnelle et qu’il devrait rembourser les sommes avancées pour payer ses avocats. Elles s’élèvent aujourd’hui à 30 000 euros par mois. Par ailleurs, si Jean-Pierre Bemba était condamné au terme du procès, qui devrait durer plus d’un an, les victimes pourront alors demander des réparations.
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