De notre envoyé spécial à Cotonou,
C’est dans un cadre très officiel que l’initiateur du symposium sur le cinquantenaire des indépendances africaines, le médiateur de la République du Bénin, Albert Tévoédjrè a animé l’ouverture de ces journées de réflexion. Mais il n’a échappé à personne que les délégations officielles des Etats africains n’étaient pas présentes. « Ce choix est justifié, parce que nous voulons que la société civile se saisisse du sujet et que les critiques et suggestions ne soient motivées par des raisons partisanes et politiques », raconte-t-on dans les coulisses de l’organisation du symposium.
Toutefois ce principe a connu quelques entorses. A l’ouverture des cérémonies, les enfants, épouses ou parents proches « des pères de l’indépendance » ont reçu des applaudissements des invités à chaque fois que les noms sont cités tels que Kwame Nkrumah du Ghana, Patrice Lumumba du Congo, Sylvanus Olympio du Togo, Julius Nyerere de Tanzanie, Kenneth Kaunda de Zambie, Modibo Kéita du Mali, etc. La volonté était manifeste de susciter l’adhésion de tous en citant ces grands du passé.
Ce retour sur le passé, vécu à travers les héritiers et autres représentants a donné le ton de différents ateliers de réflexion que les organisateurs ont placé sous le concept de l’audace. C’est d’ailleurs le sous-titre choisit comme slogan pour qualifier les assises de Cotonou : « L’audace, unique défi pour une Afrique nouvelle ». Thème abordé, expliqué et soutenu par Albert Tévoédjrè qui a exhorté les uns et les autres à savoir dire non, « à oser la rupture ». Mais cette rupture doit également être envers soi. « L’audace de l’aveu de ses faiblesses, induit celles de la formation, de la comparaison (…) pour qui refuse de se complaire dans le confort des béquilles : l’assistanat ».
La démocratie en Afrique, un leurre ?
Un des ateliers, appelés panels, a connu un vif succès du fait de son actualité : « Sécurité et élections dans une démocratie apaisée ». Philosophes, universitaires, entrepreneurs, jeunes et élus politiques après des débats animés sont arrivés à un constat unanime et consternant pour des citoyens libres qu’ils pensaient être. La démocratie en Afrique est un leurre. « Autant je vois des avancées remarquables par le combat des femmes, des jeunes, des organisations de développement local, autant je m’interroge sur la responsabilité des gouvernants dans l’état des sociétés africaines », a soutenu Christiane Taubira, députée de Guyane et auteur de la loi qui reconnaît la traite négrière comme crime contre l’humanité.
Après avoir fustigé la colonisation, la mondialisation, les accords entre puissances économiques et autres fléaux pénalisant l’Afrique, c’est la remise en cause de soi qui est apparue comme leitmotiv de tous les débats. « La Corée du Sud accueillant le G20 était impensable il y a seulement 20 ans », affirmait Albert Tévoédjrè qui dans son intervention a appelé les Africains à affronter le monde tel qu’il est aujourd’hui. En paraphrasant, l’écrivain et homme politique martiniquais, Aimé Césaire, il a résumé la teneur et l’esprit des débats des premiers jours du symposium de Cotonou dans lequel il apparait que la responsabilité de l’échec personnel n’est pas forcément du fait d’autrui.