RFI : Que reste-t-il de Racine dans ce spectacle Pour en finir avec Bérénice ?
Faustin Linyekula : Peut-être 40% de ce que l’on entend dans le spectacle restent encore des vers de Racine. Et le reste, c’est comment Racine ou cette histoire avec les questions que je me pose à partir de cette histoire, comment on réinscrit cela dans un contexte congolais. Cela commence en tout cas avec une inscription dans l’histoire. Cela se passe en 1960, deux jours avant l’indépendance du Congo, parce que les Belges n’avaient pas construit des théâtres à Stanleyville, qui aujourd’hui est Kisangani. Et c’est seulement un professeur de français à l'Athénée royal, qui était une école réservée aux Congolais blancs (donc les indigènes n’y avaient pas accès), qui avait monté une première troupe avec ses élèves. Alors, ils n’ont pas monté Bérénice, mais on s’est dit qu’en 1960, sentant la pression des indépendances, ils pouvaient peut-être monter Bérénice parce qu’ils ne pouvaient pas comprendre qu’on dise qu’ils sont étrangers là-bas.
Alors on a retrouvé ces traces de Bérénice et c’est notre point de départ, mais cinquante ans plus tard, qu’est-ce qu’il en reste de ces questions ? Et comment on se réinscrit là-dedans avec cette question du français et notre rapport à notre histoire, mais aussi le français, c’est l’héritage colonial. Aussi, je suis venu par bateau. Et quel rapport on a avec cet héritage dans ces années du cinquantenaire des indépendances.
RFI : La place de la musique est très présente dans vos spectacles. Cette fois-ci, c’est de la musique enregistrée, mais elle est quand même centrale. Parce que la musique est centrale dans les cultures africaines ou c’est votre goût personnel ?
F.L. : Parce que la musique me permet un espace de respiration. C’est quand même lourd tout ça. Quand j’ai la chance de côtoyer un guitariste comme Flamme Kapaya, je me dis qu’est-ce que je peux faire avec lui ? Juste parce que Flamme Kapaya, pendant dix ans, c’était quand même le guitariste de Werrason qui est l’un des plus grands noms de la pop congolaise, et qui nous a fait danser. Je l’ai invité sur ce spectacle comme il était déjà d’ailleurs à la Comédie française où il avait composé de la musique. Je me disais que sa guitare me permettrait d’ouvrir un peu d’autres espaces. Et pour la même raison, dans ce spectacle, il y a six comédiens et moi-même comme danseur là-dedans parce que l’espace de la danse aussi ouvre autre chose.
RFI : Justement, est-ce que c’est du théâtre ? Est-ce que c’est de la danse ? Est-ce que c’est un concert parce qu’on dit quand même de vous que vous êtes un chorégraphe. A l’origine, vous êtes un chorégraphe ?
F.L. : A un moment, la question ne se pose plus trop pour moi. Ce qui m’intéresse, en tout cas, c’est de raconter des histoires ou du moins d’essayer de les raconter. Et après j’utilise les moyens qui sont à ma disposition pour le faire. Il s’agit du corps, un corps qui peut parler, qui peut chanter, qui danse…
RFI : …tous les moyens sont permis.
F.L. : Voilà.