De notre correspondant à Kampala
Le moment et les lieux ont été minutieusement choisis. Une bombe a explosé durant la première mi-temps de la finale de la Coupe du monde dans le restaurant « Ethiopian village » qui retransmettait l’évènement et faisait salle comble. Une seconde a éclaté quelques minutes plus tard dans le club de Rugby de Kampala où un écran géant avait été installé pour cette occasion. Le fait qu’il y ait eu plus de morts que de blessés témoigne de la violence des déflagrations.
Deux suspects arrêtés
« Nous connaissons les groupes terroristes de la région. Ce sont les Forces alliées démocratiques et L’armée de résistance du Seigneur… Mais ceux que nous suspectons le plus se sont les shebabs. Ils ont averti qu’ils feraient cela », souligne le porte-parole de la police ougandaise, Kale Kayihura, qui s’est déplacé sur les lieux des attentats au milieu de la nuit. Et pour l'instant, deux suspects ont été arrêtés dans le cadre de ces attaques.
Ce n’est pas le premier attentat terroriste qui frappe Kampala. Déjà, en 1998, des bombes avaient explosé dans la capitale ougandaise. Mais elles étaient de caractère artisanal et ont fait peu de victimes. Ces attentats « amateurs » avaient été attribués aux Forces alliées démocratiques, un groupe rebelle financé en partie à l’époque par le régime islamiste de Khartoum. L’armée congolaise mène depuis plusieurs semaines une opération militaire pour déloger ces anciens rebelles dont un groupuscule persiste dans les montagnes Ruwenzori qui s’élèvent à plus de 5 000 mètres à la frontière de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda.
La possibilité d’attentats suicide
Mais les attentats de dimanche sont d’une toute autre ampleur. La police ougandaise dit avoir trouvé le corps décapité d’un individu d’origine somalienne à proximité du point d’impact de l’une des explosions. Elle évoque la possibilité d’attentats suicide. Mais l’intensité des explosions fait penser à des charges beaucoup plus lourdes.
L’Ouganda de Yoweri Museveni qui a pris le pouvoir par les armes en 1986 offre le flanc à de telles attaques. A la tête d’une armée considérée comme étant l’une des plus puissantes de la région, il a soutenu l’attaque du Rwanda par le Front patriotique rwandais en 1990 puis il a armé et entrainé les rebelles de la SPLA au Sud-Soudan avant de se lancer au côté du Rwanda dans la conquête de l’ex-Zaïre en 1998.
Des menaces prises très au sérieux par Kampala
A l’invitation des Etats-Unis, il dirige depuis sa création en 2007 la Force de maintien de la paix de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), composée d’environ 5 000 militaires ougandais et burundais formés en partie par l’Union européenne, afin de maintenir en place le fragile et impuissant gouvernement de transition à Mogadiscio, cantonné autour de l’aéroport international. L’année dernière, les milices somaliennes shebabs qui tiennent le reste de la capitale somalienne avaient menacé l’Ouganda d’y « étendre la guerre », s’il ne se retirait pas de l’AMISOM.
Des menaces prises très au sérieux par Kampala qui avait depuis multiplié la présence de ses forces de sécurité dans les lieux publics et établit un maillage serré de la large communauté somalienne présente dans la capitale ougandaise. Cette communauté se sent aujourd’hui menacée et a demandé la protection des forces de l’ordre pour éviter de se faire lyncher par la population.
Malgré la forte tension qui règne à Kampala, l’Ouganda a maintenu la tenue du prochain sommet de l’Union africaine auquel 66 chefs d’Etats ont été invités et a déclaré aujourd’hui, à travers son ministre des Affaires étrangères, qu’il ne quitterait pas la Somalie.