Deux années se sont écoulées depuis la flambée xénophobe, mais au milieu d’une allée insalubre du quartier extension 1 de Diepsloot, si l’on s’approche un petit peu on peut encore deviner les inscriptions sur les portes en métal des deux WC publics. « Citoyens sud-africains » sur une porte, « Etrangers » sur l’autre. Ces inscriptions rappellent les années sombres de l’Apartheid, mais en 2010 à Diepsloot et ailleurs, des noirs rejettent d’autres noirs.
Pungai, une mère de famille zimbabwéenne, s’apprête à partir. « Je vais écouler le stock de mon épicerie, et ensuite moi et mon mari, qui est mozambicain, nous allons nous cacher ». Pungai nous montre la tôle cabossée de son taudis. En 2008 une bande de Sud-Africains ont pris d’assaut son salon et ont frappé son mari au crâne et au visage. « Ils disent qu’on leur vole leur travail, ils sont jaloux. Et ils se préparent à nous agresser de nouveau », redoute Pungai.
« Ici tout le monde parle de la prochaine chasse à l’étranger, raconte Félix. Quand on regarde des matchs de foot, quand on boit le soir, au travail, même les enfants sont au courant. » « L’autre jour, poursuit Felix,un Sud-Africain a dit à une femme mozambicaine à qui il devait de l’argent : jamais je ne te rembourserais, et puis n’oublie pas, après le Mondial, les attaques xénophobes vont reprendre ».
Patrick, un trentenaire zulu qui a une boucle de ceinture en forme de cartouches de balles, ne cache pas sa haine de l’étranger.« Il y a trop d’étrangers ici, il faut qu’ils partent après le Mondial. Ce sont des criminels. Et comme ils sont clandestins, ils n’ont pas de papiers, pas d’adresse, la police ne les retrouve jamais, donc ils tuent des Sud-Africains, et après ils disparaissent. Et nous, comme on ne sait pas non plus où les trouver pour les punir, on se venge en attaquant des gens de leur nationalité ».
La haine de l’autre mène droit à des actes de barbarie dans les bidonvilles ultra-violents d’Afrique du Sud. A Diepsloot les habitants vivent sans électricité parmi les ordures qui ne sont pas ramassées. Ils n’attendent plus grand-chose de l’Etat ni de la police et décident souvent de rendre justice eux-mêmes.
Il y a dix jours une milice improvisée a battu à mort un homme soupçonné d’avoir volé la caisse d’une taverne. D’après des témoins, il était Zimbabwéen.