Ryad Boudebouz, le Fennec qui trace sa route coûte que coûte

Le footballeur international algérien Ryad Boudebouz, en grande forme avec Montpellier avant une blessure qui devrait l'éloigner des terrains pour cause d'opération au genou jeudi 15 décembre, est à l'origine de 40 % des buts de son club. L’occasion de revenir sur ses débuts à Sochaux avec, entre autres, Marvin Martin, Mathieu Peybernes ou encore Omar Daf, qui se souviennent d’un garçon « attachant » et « altruiste ».

L’histoire a débuté dans une petite ville industrielle de province où la valeur travail est aussi importante que le soleil montpelliérain. A Sochaux, dans l’est de la France, Ryad Boudebouz, 12 ans, est venu de son Alsace natale pour rejoindre le centre de formation et apprendre à être autre chose qu’un « joueur de rue » qui dribble tout le monde et tout le temps.

« Un mec attachant, généreux avec sa famille et ses amis »

Dans le froid glacial de l’hiver ou sous la chaleur écrasante de l’été, le gamin a fait ses gammes et a signé six années plus tard son premier contrat professionnel avec un lion sur ce maillot jaune auquel il tenait plus que tout, et avec lequel il a participé à 180 matches.

C’est vrai, le FC Sochaux-Montbéliard, avec son stade Auguste-Bonal aux portes de l’usine Peugeot, l'antre du club depuis 1931, c’est un peu « spécial ». Surtout lorsque l’on vient de loin comme Marvin Martin, né à Paris, ou Mathieu Peybernes, qui a vu le jour à Toulouse.

Du plus loin que Mathieu Peybernes s’en souvienne, Ryad Boudebouz a toujours été « un mec attachant, généreux avec sa famille et ses amis ». A Sochaux, le Toulousain découvre dès son plus jeune âge un gamin capable d’éliminer « n’importe qui » et qui avait le don de « pouvoir donner des ballons à n’importe quel moment ».

Sans compter ses qualités intrinsèques sur les coups de pied arrêtés. « A 14 ans, il dribblait tout le monde et allait marquer », assure Mathieu Peybernes, qui décrit un ado « confiant » et pense que « c’est le joueur le plus doué » de sa génération.

« Nous avions le même rêve, devenir professionnel, commente de son côté Marvin Martin. Techniquement, il était déjà très fort et je crois qu’aujourd’hui en Ligue 1, il fait partie des meilleurs, côté technique. Il peut faire la différence à tout moment et c’est quelque chose qu’il a beaucoup travaillé. »

« Il n’a pas la carrière qu’il aurait dû faire. Il mérite aujourd’hui de se retrouver dans un club qui joue la Ligue des champions. Il en a les capacités, c’est ce que je lui souhaite », estime Mathieu Peybernes, alors que Marvin Martin « aimerait bien qu’un grand club l’appelle ».

« On jouait ensemble les yeux fermés »

Chose rare dans ce milieu, Peybernes et Martin décrivent Boudebouz comme quelqu’un d’« altruiste ». « Avec Marvin, on allait souvent manger chez ses parents à Colmar et sa mère nous accueillait comme ses propres enfants », raconte Peybernes, qui a aussi joué avec lui à Bastia.

« Souvent, j’allais chez lui et on s’est tout de suite bien entendus. Maintenant, cela fait des années que cela dure. C’est quelqu’un d’important pour moi. A l’époque de Sochaux, on jouait ensemble les yeux fermés », renchérit Marvin Martin.

Pourtant, Ryad Boudebouz, spécialiste des penaltys, n’a pas fait toujours l’unanimité dans sa carrière, comme l’explique Mathieu Peybernes : « On lui a reproché de ne pas être assez décisif sur les corners à Bastia, car on savait qu’il en avait la capacité. A Montpellier, il est désormais très fort sur les coups francs. »

Parfois, les supporters sochaliens n'ont pas toujours été tendre avec lui. On se souvient de cette banderole qui disait : « Ryad dégage », au moment où il pensait quitter le Doubs pour le soleil de Marseille (2012).

Ryad Boudebouz est l’un des hommes forts de Montpellier en cette première partie de saison. Avec sept réalisations et deux passes décisives en 16 matches de Ligue 1, le meneur de jeu héraultais réalise un départ canon.

Face à Paris lors de la 15e journée de Ligue 1 (3-0 pour Montpellier), le Fennec a inscrit notamment un but d’une astucieuse frappe lointaine du gauche. Un blessure au genou vient aujourd'hui gâcher la fête.

« Il a une capacité à faire marquer les autres. Sur une saison, il est capable de faire les 10 passes décisives sans souci en plus de ses cinq ou six buts minimum. Pour une équipe, c’est super important. Et pour moi, cela reste sa qualité première », analyse Omar Daf, ancien international sénégalais et ancien coéquipier de Boudebouz.

« J’ai adoré jouer avec lui, car tu sais qu’il va partager avec ses partenaires », complète-t-il, en pointant « le sacré caractère » de Boudebouz capable de sauver Sochaux de la relégation avec un but des 30 mètres face à Marseille. « C’est une réalisation qui a marqué les esprits, car elle nous a permis de faire une saison supplémentaire en Ligue 1 », raconte l’ancien Lion de la Téranga.

L’Algérie, très tôt le choix du cœur

Ryad Boudebouz a choisi l’Algérie très tôt. « J’avais vu l’épopée de Karim Ziani et je voulais faire partie de cette équipe », disait-il récemment sur la chaîne du groupe L’Equipe. Un vrai choix de cœur selon ses anciens coéquipiers. Sa première sélection, il l’a vécue en mai 2010 face à l’Irlande.

Quant à son premier but, c'était en 2011, lors d’un match amical face à la Tunisie, année où il reçoit le prix du meilleur joueur algérien en étant le plus jeune lauréat du haut de ses 21 ans. Cette récompense venait saluer notamment ses onze buts et neuf passes décisives en 39 matches avec Sochaux.

« Il a toujours eu ce lien particulier avec l’Algérie. Après notre défaite lors de l’Euro 2009 des moins de 19 ans en demi-finale face à l’Angleterre, il a choisi l’Algérie et a renoncé à jouer avec les Bleus dans la catégorie espoir », se remémore Mathieu Peybernes.

« Sa décision avait été mûrement réfléchie. Je crois qu’aujourd’hui il est heureux de ce choix même s’il a cette période compliquée avec Vahid Halilhodžić (ancien sélectionneur de l'Algérie, ndlr) ».

Ryad Boudebouz avait été écarté de la sélection algérienne lors des éliminatoires du Mondial 2014, car une femme de ménage avait trouvé une chicha dans sa chambre, selon l’ancien sélectionneur. « Je lui en veux toujours. Qu'il n'aime pas mon style de jeu, ça ne me pose pas de problème. Mais il a fait toute une affaire autour de ça alors que tout le monde sait que, dans le football, plusieurs personnes côtoient des fumeurs de chicha. Il avait utilisé cette histoire pour se venger de certains de mes propos », a déclaré Boudebouz il y a quelques mois.

« Je crois que le public algérien l’aime même si c’est compliqué avec eux, car il faut toujours être au top. C’est comme ça, c’est la passion du foot. C’est un public extraordinaire. J’ai vu des matches de l’Algérie et je me suis régalé, ils sont derrière leur équipe à fond », commente Marvin Martin, qui se souvient que Boudebouz « a choisi vite ».

Le plus doué de sa génération

« A 14 ans, il avait déjà beaucoup confiance en lui, poursuit Mathieu Peybernes. C’est le joueur le plus doué de notre génération. Il a eu des moments difficiles, car il s’est peut-être parfois reposé sur ses qualités, mais techniquement et tactiquement, il en imposait déjà. Il a toujours été fixé sur son objectif : passer professionnel. »

Mathieu Peybernes conclut : « Ryad est quelqu’un de très fort psychologiquement. Même très critiqué, il n’a jamais lâché. On s’est régalés même si on jouait souvent le maintien avec Sochaux. On était heureux pour le club. Cela restera des bons moments comme la qualification pour la Ligue Europa (2010-2011). » Au Gabon dans quelques semaines, le petit lionceau aurait pu devenir un Fennec auréolé d’un titre continental. Ce n'est que partie remise.

Partager :