Mondial féminin: La Côte d'Ivoire en mode biberons

Avec neuf joueuses âgées de 20 ans ou moins sélectionnées pour la Coupe du monde, la Côte d'Ivoire présente l'effectif le plus jeune du Mondial féminin. L'objectif de la sélectionneuse Clémentine Touré est simple : emmagasiner de l'expérience au Canada pour préparer les prochaines compétitions internationales. Avant la dernière rencontre des Eléphantes, lundi 15 juin contre la Norvège, présentation de cette « classe biberons ».

Après la déroute subie face à l’Allemagne (0-10) lors du premier match, historique, de la Côte d’Ivoire dans une Coupe du monde féminine, toutes les joueuses des Eléphantes n’avaient que quatre mots à la bouche en quittant le stade, tête basse : « Le manque d’expérience ». Cette lourde défaite, vécue le 7 juin sur la pelouse d’Ottawa, contre la meilleure équipe au classement mondial a clairement mis en lumière les limites et failles actuelles de l’effectif de Clémentine Touré, trop immature pour contenir les accélérations massives des expérimentées doubles championnes du monde (2003 et 2007), une nouvelle fois favorites pour décrocher le titre suprême le 5 juillet à Vancouver. Une impression confirmée face à la Thaïlande (2-3) quelques jours plus tard.

Comment expliquer une telle déconvenue ? Habituées aux joutes internationales, en club et avec leur sélection, les Allemandes évoluent à des années-lumière de leur premier adversaire, qui s’appuie quasi-exclusivement sur des joueuses issues du championnat local, en manque de professionnalisme. Il suffit de se pencher sur l’effectif du troisième du dernier Championnat d’Afrique pour comprendre la stratégie de la sélectionneuse en poste depuis 2010. « Ces dernières années, nous avons rajeuni l’équipe à près de 50%, explique celle qui a gagné la compétition continentale avec la Guinée équatoriale en 2008. Après notre échec pour la qualification au Championnat d’Afrique 2010, nous avons jugé bon de préparer l’avenir et de monter une équipe nationale des moins de 20 ans pour que les jeunes puissent acquérir de l’expérience. En 2013, cela a enfin pu se faire et ces jeunes sont l’espoir de la Côte d’Ivoire ».

Une joueuse de 16 ans au Mondial

Ces jeunes, justement, au nombre de neuf, l’ex-internationale aux 22 sélections acquises entre 1995 et 2002 les a conviées au Canada après, pour la plupart, une convaincante première apparition en Namibie lors de l’historique épopée des Eléphantes, conclues à la troisième place en octobre. Face à l’Allemagne, les défenseuses Nina Kpaho et Sophie Aguie, 18 ans, la milieu Ida Guehai et l’attaquante Rebecca Elloh, 20 ans, ont même gagné leurs galons de titulaires. « Elles ont vraiment du talent, garantit la capitaine Ange Thiamale, 33 ans. Je ne cesse de leur dire de croire en leur qualité, elles peuvent déjà beaucoup nous apporter malgré leur jeune âge. Elles doivent continuer de travailler. Lorsque la coach les a convoquées pour la première fois après leur élimination pour la qualification au Mondial des moins de 20 ans (en 2014, NDLR), je leur ai dit de se battre avec nous. Plusieurs places sont à prendre, elles ne doivent pas se crisper et prouver au coach qu’elles ont de la valeur ».

Aux côtés encore de Mariam Diakite (20 ans), Sandrine Niamien (20 ans), Nadège Cisse (18 ans) et Aminata Haidara (18 ans), on retrouve également la milieu de terrain des Onze Sœurs de Gagnoa, Jessica Aby, troisième plus jeune participante à ce Mondial - elle fêtera ses 17 ans le 16 juin -, restée sur le banc face à l’Allemagne avant d’effectuer une remuante entrée en jeu en deuxième mi-temps face à la Thaïlande malgré une cruelle défaite le 11 juin (2-3). « Elles ont rayonné en championnat, explique Clémentine Touré. Leur sélection est méritée, malgré leur jeunesse. Lorsqu’on est bon tout au long de l’année, on vient défendre les couleurs de la nation. L’âge n’est pas un frein à leur évolution. La preuve, celles qui ont joué face à l’Allemagne se sont bien comportées malgré le score. Il faut les encourager ».

Le Nigeria, modèle des Ivoiriennes

En Afrique, une formation féminine domine depuis plusieurs années le continent. Vainqueur de neuf des onze éditions continentales, le Nigeria est aujourd’hui un modèle pour cette juvénile équipe ivoirienne qui n’a participé en 2014 qu’à son deuxième Championnat d’Afrique. « A force de travail, le Nigeria a réussi à progresser et représente la fierté de l’Afrique, assure Clémentine Touré au sujet des partenaires d’Asisat Oshoala, 20 ans, élue récemment meilleure joueuse du monde par la BBC et déjà buteuse contre la Suède lors de ce Mondial le 8 juin. Ces joueuses ont grandi avec des clubs qui ont des moyens. Les voir à ce niveau-là, sur le plan international, ce n’est pas un hasard. Avec la Direction Technique, nous devons trouver un moyen pour rendre notre championnat plus compétitif, pour permettre à nos jeunes de s'améliorer. Nous allons tirer un bilan, après ce Mondial, pour trouver de nouvelles idées ».

Alors que se profile fin juillet le troisième tour des qualifications pour les Jeux olympiques de Rio en 2016, la Côte d’Ivoire veut à présent passer un palier supplémentaire. « Avec Jessica (Aby) et les autres, nous continuons d’apprendre, certifie Ines Nrehy, 21 ans. Ensemble, nous voulons aller de l’avant. Nous avons besoin de cette jeunesse pour relever l’équipe ». En tant que capitaine, Ange Thiamale se porte garante de l’intégration : « A tous les niveaux, j’essaie d’aider mes jeunes coéquipières. Je ne veux pas qu’elles se sentent à l’écart, je tente de créer un cadre pour leur permettre de s’exprimer. Un jour, je vais raccrocher et elles vont prendre la relève. On doit les préparer. Pour l’instant, elles sont très attentives, elles m’écoutent beaucoup, viennent me voir pour savoir ce qui a marché ou non. Quand elles croiront en elles, elles y arriveront. La valeur n’atteint pas le nombre d’années ». « En ce moment, elles accumulent les matches au pays, elles continuent leur formation avec nous, poursuit Clémentine Touré. Peut-être, un jour, devront-elles partir en Europe. Elles ont du potentiel. L’avenir du foot féminin peut être radieux ».

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