Hervé Renard, d’un univers à l’autre

C’est dans un hôtel parisien très tôt un samedi matin qu’Hervé Renard nous a donné rendez-vous pour parler de sa énième nouvelle vie. L’entraîneur qui a fait de la Zambie l’équipe championne d’Afrique en 2012 face à la Côte d’Ivoire a désormais le destin du FC Sochaux entre les mains. Un challenge qu’il compte bien relever.

On l’avait quitté sur les pelouses sud-africaines où il était venu défendre son titre de champion d’Afrique, en janvier dernier. On l’a retrouvé un samedi matin à quelques encablures du Parc des Princes où quelques heures plus tard, le PSG n’a fait qu’une bouchée de son équipe, Sochaux (5-0 le 7 décembre). Hervé Renard, ce quadragénaire à l’allure élancée et au perpétuel sourire se retrouve encore une fois dans un endroit inattendu avec un nouveau challenge à relever. Sa marque de fabrique !

La Zambie toujours en tête

Après la Zambie et des années de passion, Hervé Renard s’est donc lancé ce nouveau défi : sauver une équipe à la dérive dans un championnat qu’il découvre en tant qu’entraîneur. Comment refuser ce qu’il souhaitait par-dessus tout : s’imposer dans son pays et laisser une trace. Ce globe-trotteur du football est passé par la Chine, le Vietnam, l’Angleterre, le Ghana, l’Algérie, avant d’être sacré en Zambie.

« En Ligue 1, les places sont chères. Je sais que c’est compliqué, mais à Sochaux il y a une âme. Soixante-six saisons parmis l'élite, ça parle », lance avec malice Renard. « Je veux marquer les esprits. Il faut que l’on voie la qualité du travail. Je ne sais pas si, au bout de la route, les choses se termineront bien, mais je souhaite que l’on se rende compte qu’il y a eu du travail comme avec l’équipe de Zambie », appuie l'ancien assistant de Claude Le Roy.

Mais pour entrevoir l’ombre de la soixante-septième saison, le chemin risque d’être sinueux et difficile. Sauf que le Renard a toujours cru en son destin. « En six années, j’ai beaucoup appris en Afrique. Comme ne jamais se décourager, être positif et relativiser» , raconte-t-il. « Sans être démagogue, j’ai parlé de Mandela à mes joueurs en leur disant qu’il s’est toujours battu avec ses idées sans accepter de compromis. Alors si nous on n’est pas capable en football d’avoir à se battre un peu plus, on est vraiment petit ».

Pour commencer son nouveau défi, Hervé Renard voudrait que les joueurs du club prennent exemple sur les Africains. Selon lui, « leur comportement est exactement le même qu’en équipe nationale » et « ce sont des hommes de grande qualité qui sont capables de vous donner beaucoup ». À ses yeux, le Zambien Emmanuel Mayuka qui a remporté la Coupe d‘Afrique des nations en 2012 « est le meilleur joueur de Sochaux actuellement ». Il souhaite d'ailleurs récupérer d'autres Zambiens du TP Mazembe au mercato d'hiver.

Alain Cordier :« C’est un garçon ouvert »

Mais pour l'instant, Hervé Renard doit convaincre des joueurs devenus fébriles à l’idée de se voir relégués à la fin de la saison. Tout d’abord en ayant le soutien du club, à commencer pas son président Alain Cordier. « Hervé Renard a apporté un nouvel état d’esprit, plus combattant. C’est un garçon ouvert. Lorqu'il est arrivé, il a pris le temps de passer tout le monde en revue. Il a une volonté de gagner. Il essaye de redonner la confiance aux joueurs. Avant de lui dire 'oui', nous avons échangé une heure dans mon bureau. Il a su, par ses qualités, me démontrer qu'il n’était pas nécessaire d’avoir une expérience en Ligue 1. Il s’adapte aux exigences de la Ligue 1 », confie le dirigeant sochalien.

L’adaptabilité, c’est bien une des qualités premières qu’Hervé Renard veut mettre en avant. « Je m’adapte très rapidement. C’est sûrement ce que j’ai appris le mieux en travaillant en Afrique ». Il explique : « Quand je suis arrivé à Sochaux, J’ai entendu dire que tout le monde était trop gentil. On ne va quand même pas dire aux joueurs qu’ils sont les plus beaux et les plus forts et qu’ils vont faire carrière en jouant comme ça. En plus, je ne suis pas sûr que tout le monde ait pris la mesure de la situation du club. »

Homme à poigne, Hervé Renard ne prend pas de gants pour dire ce qu’il pense. Du coup, si vous lui demandez comment il a adapté son jeu, la réponse est assez claire : « Il faut faire en fonction des joueurs que l’on a sous la main et ce n’est pas toujours facile. Mon message est : 'jouez, n’ayez pas peur'. C’est en jouant que l’on pose des problèmes. »

« Hervé Renard ne pourra pas tout faire »

Si les joueurs ont pu être bousculés par son coaching, il n’en reste pas moins que les cadres de l’équipe sont tout à fait conscients de la situation. « Il va falloir élever notre niveau de jeu contre des équipes à notre portée », raconte l’international malien Cédric Kanté. « On a beaucoup parlé et maintenant il faut agir pour éviter d’arriver à la trêve sans points supplémentaires, reprend-il. De tous nos discours, rien n’a été concrétisé. Chacun dans notre coin, nous devons balayer devant notre porte pour faire en sorte de sauver le FC Sochaux en travaillant. Hervé Renard nous a beaucoup apporté, mais il ne peut rien faire sur nos erreurs individuelles ». Certains jeunes, comme le Sénégalais Joseph Lopy, vont dans le même sens : « Seul, Hervé Renard ne pourra pas tout faire. C’est aussi à nous de prendre conscience que nous sommes réellement en danger. »

Si tout le club est mobilisé pour sauver Sochaux, Hervé Renard n’oublie pas qu’un des acteurs attend de cette dramaturgie une fin heureuse. Il s’agit du douzième homme, autrement dit des supporters. « Je suis touché par les messages que je reçois. Je crois qu’ils apprécient mon travail. On ne peut pas baisser les bras à la première petite chose qui se dérègle, il faut changer cette mentalité », reconnaît Hevé Renard. « Dans cette région il y a des valeurs et les joueurs doivent en prendre conscience. Ici, il y a beaucoup de travailleurs qui se lèvent tôt et qui doivent faire preuve d’une grande énergie pour aller faire un travail qui n’est pas toujours très plaisant. Et à côté, le nôtre est très facile. Il faut en prendre conscience. Le stade est accolé à l’usine et on ne peut pas l’oublier », insiste-t-il.

Loin de « son » Afrique, Hervé Renard reste un homme de convictions, optimiste, qui pense que le travail et la volonté prennent toujours le dessus. Il tient cela de son histoire personnelle, faite de haut, de bas, et surtout de rencontres. « Il faut toujours regarder des images positives pour penser à des choses positives pour que la vie soit plus belle et ne pas noircir le tableau. Alors je ferme les yeux et je pense à l’Afrique. J’y ai rencontré des gens tellement merveilleux que je ne peux rien oublier. Des gens qui m’ont rendu plus que ce que je leur avais donné et cela ne s’oublie pas ».

Tous les propos ont été recueillis par Farid Achache

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