Issa Hayatou : «La CAF a fait un bond en avant»

Issa Hayatou balaie les critiques sur sa réélection par acclamation à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), le 10 mars 2013 à Marrakech. Dans un long entretien exclusif accordé à RFI, le Camerounais défend son bilan.

RFI : Issa Hayatou, lors de l'Assemblée générale de la CAF, vous êtes revenu longuement sur les critiques à votre égard. Qu’est-ce que ces critiques vous ont fait ?
Issa Hayatou : Qui critique ? C’est surtout la presse. Vous connaissant, ça ne me dit absolument rien. J’ai mes sept heures de sommeil par nuit. […] On ne peut pas assumer de telles fonctions dans un domaine aussi sensible que le football sans essuyer des critiques. […] Ça me fait rire quand on dit « trop autoritaire ». On ne peut pas diriger le football africain sans être autoritaire. On parle aussi de mes vingt-cinq années de présidence. C’est un record et ce n’est pas une petite affaire. Il y a beaucoup de sensibilités et de différences en Afrique. […] Il faut pourtant galvaniser toutes ces consciences. […]
Ils (ses détracteurs) peuvent critiquer. […] J’ai toujours dit à qui veut l’entendre que je n’ai pas d’ami dans l’exercice de mes fonctions. Je n’ai que les règlements et les statuts de la CAF. C’est ça qui m’a aidé à rester 25 ans. Je continuerai à appliquer ce principe. Si quelqu’un s’éloigne des textes, il est voué à l’échec. […]
Avant d’être à la CAF, j’ai été à la Fédération camerounaise de football. […] J’y suis entré tout jeune. J’avais 26 ans ou 27 ans. J’aurais pu craquer mais j’ai tenu bon. […] Alors ce n’est pas maintenant que j’ai 67 ans que les critiques vont m’ébranler.

Auriez-vous préféré avoir un rival pour cette élection à la présidence de la CAF ?
Vous allez dire que la Confédération a pris une mesure restrictive pour empêcher certains (l’Ivoirien Jacques Anouma, Ndlr) de se présenter. Mais tout ceci est normal : la Fédération algérienne a fait une proposition de réforme (des statuts, notamment ceux concernant les critères requis pour être candidat à la présidence, Ndlr). Le Comité exécutif a pris un an pour réformer nos textes. Mais les gens restent bloqués sur un seul article parmi tous ceux qui ont été modifiés. […] On dirait que c’est tombé comme un cheveu sur la soupe, alors que ça faisait un an que nous avions créé une commission de juristes ! Aux Seychelles, nous avons amendé bien des choses. Depuis la création de la CAF en 1957, il y a toujours eu des congrès et à chaque congrès il y a eu des réformes.

Pourquoi les gens trouvent ça anormal ? Je ne comprends pas… […] Cette mesure ne visait personne. Je le répète encore : ce que nous avons fait, l’Uefa le fait déjà. M. Michel Platini est rentré au Comité exécutif deux ans auparavant pour se présenter à l’Uefa. Vous pensez que dans votre maison, RFI, on peut se réveiller un matin et venir présider le Comité d’administration ? Soyons sérieux ! […]
Pour revenir à votre question, j’ai toujours eu des adversaires. S’il n’y en a pas eu cette fois, c’est parce que les gens ont estimé que ça ne servait à rien de se présenter. Ce n’est pas parce que j’ai peur d’être challengé. […] Je suis prêt à recevoir n’importe quel candidat. Encore faut-il qu’il respecte les normes établies par la famille.

L’ancien footballeur camerounais Roger Milla a déclaré au quotidien français Le Monde que « le football africain risque de mourir ». Avez-vous quelque chose à lui répondre ?
(Sèchement) Je n’ai rien à lui répondre…

Vous avez dressé le bilan de vos vingt-cinq premières années à la tête de la CAF. Quelle décision vous rend le plus fier ?
Quand on a commencé, il n’y avait pas d’argent, on pouvait difficilement compter les compétitions sur les doigts d’une seule main. La crédibilité de la Confédération était plus ou moins incertaine. Le président de la Fifa Joseph Blatter l’a dit : on ne respectait pas du tout le continent africain. C’est pendant notre présidence que ce respect est né. Nous sommes vraiment conscients de ce que nous avons fait.
Nous avons multiplié les compétitions, nous avons fait beaucoup de choses concernant la représentativité africaine. Quand je suis arrivé, il y avait deux équipes africaines en phase finale de la Coupe du monde. Aujourd’hui, nous en avons cinq. […] Obtenir ça, ça n’a pas été facile. […]
Avant, la Coupe d’Afrique des nations se jouait à huit équipes, maintenant, elle se joue à seize. Nous avons créé le Chan, nous avons développé des compétitions de jeunes ; nous avons créé la formule Ligue des champions […], la Coupe de la Confédération […].
Quand on commence à énumérer ce qui a été fait en 25 ans, on se rend compte que c’est un travail énorme. […] Le Comité exécutif de la CAF et toutes les associations se sont mobilisés pour atteindre cette dimension. […] Il y a eu beaucoup de progrès dans tous les domaines : relationnel, financier, organisationnel. La Confédération africaine de football a fait un bond.

ISSA HAYATOU : DEUXIÈME PARTIE DE L’ENTRETIEN

Tous propos recueillis par notre envoyé spécial, le 11 mars 2013 à Marrakech

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